Opale Filifollia : no, I'm not a dragon ! Welcome to the Pandora's CDI... ~

Mémoires d'Opale, extraits
Je me souviens de ce jour comme si c'était hier. Papa était tout tremblant, il avait tellement peur qu'il a failli manquer l'heure de la cérémonie ! Et maman était tellement belle dans sa grande robe blanche couverte de fleurs… Mais chut, il ne fallait pas le dire à papa, il n'avait pas le droit de la voir avant le tant attendu "oui" devant l'autel. On vivait en Espagne depuis un an déjà. Maman était retournée dans son pays avec joie. La Russie, c'est magnifique disait-elle de son accent chantant, mais il fait un peu trop froid pour une señora du pays du soleil ! Alors papa avait accepté de quitter son pays et sa neige, et nous étions tous partis vivre au bord de la mer, au Sud de l'Espagne. Je devais avoir cinq ans. Puis mon père avait fait sa demande à genoux, et maman avait accepté avec joie.

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J'adorais cet endroit. J'y allai souvent avec ma mère. On s'allongeait là, dans l'herbe encore chaude et gorgée de soleil, et on comptait les étoiles. On faisait ça pendant des heures et des heures. Une immense prairie verdoyante en guise de matelas, remplie par le chant des cigales et des grillons pour notre berceuse, et avec pour couverture le ciel de velours bleu piqueté des diamants scintillants des étoiles. Le paradis…

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Si Paradis il y a, il faut bien un Enfer. Je me souviens peu de mon enfance, hormis ce que j’ai pu écrire avant ceci. La seule chose qui reste gravée dans ma mémoire est le souvenir de ce chaud jour de printemps où ma vie entière a basculée. Mes parents pleuraient. De grosses larmes coulaient sur leurs joues, sans s’arrêter, intarissables. Je n’avais que sept ans. Et moi, la petite haute comme trois pommes, aux déjà longs cheveux tressés, je ne comprenais pas pourquoi. Ils m’ont expliqué entre deux sanglots qu’ici ne m’attendait que la misère, et qu’un jour quand je serai grande je comprendrai ce qu’ils ont choisis. Ils m’ont dit que là où j’irai, je ne devrai pas pleurer, être courageuse. Que je ne devrai pas les chercher, parce qu’ils ne seront pas près de moi là bas. Mais qu’un jour, je les reverrai. Et que où que j’aille, ils pensent à moi, et que quelque part dans mon cœur, ils sont là. Alors ils ont préparé une petite valise, avec le peu d’affaires que pouvait avoir une gamine de sept ans vivant dans un petit village perdu du Sud de l’Espagne que la sécheresse enfonçait dans la misère. Et aussi un gros coffre, qu’ils ont caché, et que j’ai fini par oublier. Puis une voiture est venue, et un vieux monsieur tout ridé m’a emmenée sans un mot, loin, très loin, toujours plus loin. La dernière image que j’ai gardée de mes parents est celle d’un couple effondré qui regarde sa fille unique s’en aller, ne devenir plus qu’un point à l’horizon puis disparaître dans la chaleur espagnole…

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Je suis dans ce centre depuis quatre ans maintenant. Depuis mon arrivée, les enfants m’ont toujours détestée. Au début j’étais toute timide, seule dans mon coin, j’avais peur. Et puis je me suis souvenue de ce que maman avait dit. Il fallait être courageuse. Alors j’ai essayé d’aller voir les autres. Mais on ne se comprenait pas. Ils parlaient une drôle de langue, beaucoup moins chantante que l’espagnol de maman ou le russe de papa, et qui avait l’air très compliquée. Alors les autres m’ont rejetée. Définitivement. Les professeurs qui nous encadrent dans ce drôle de centre se sont décidés à m’apprendre la langue de ce pays totalement étranger pour moi. C’est ainsi que j’ai appris le français. Il me reste toujours un accent étrange, mélange du russe et de l’espagnol qui sont mes langues maternelles, mais je sais suffisamment me débrouiller. Puis j’ai appris à lire. Et là, ç’a été la délivrance. Je m’isolais des autres, et je dévorais littéralement des dizaines de livres, de plus en plus gros à mesure que ma lecture devenait moins saccadée. Je me créais un monde, où je vivais loin de tous, parmi les personnages de mes livres adorés, entre les dragons, les êtres fantastiques et les mondes extraordinaires, mais aussi les mafieux, les chefs d’états et les pans d’histoires vraies… J’avais trouvé ma voie, et un moyen de vivre sans être étouffée par les autres et leurs méchancetés.

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Un métier plein de livre ! C’est vraiment ce qu’il me faut. C’est tellement merveilleux, sentir l’odeur du papier, parcourir les lignes couvertes de petits caractères noirs, tourner les pages délicatement, et s’enfoncer toujours plus loin dans un monde magique… Et puis, il y a des gens ! Pleins de gentils professeurs, et de gentils élèves à aller voir ! Je suis tellement contente d’être devenue enfin documentaliste…

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Le petit collège où j’étais professeur documentaliste a fermé ses portes. Il n’y avait plus assez de monde dans ce petit coin reculé de campagne. C’est dommage, j’aimai beaucoup cet endroit… Mais ils m’ont tous promis que tout irait bien pour eux, et en ce qui me concerne j’ai reçu un avis de mutation vers un petit lycée qui m’a l’air très sympathique. D’après ce que j’ai pu trouver dans les livres, c’est un lycée en plein cœur d’une petite forêt, au bord d’une jolie petite bourgade tranquille. Il paraît que les gens là-bas sont pour le moins… étranges. J’ai vraiment hâte d’y être !

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Cette bibliothèque est tout simplement immense ! Sans plan je pourrai m’y perdre facilement… Heureusement, quelques profs se sont gentiment proposé de m’aider à m’installer. Il semblerait que le seul professeur un tant soit peu chargé de cet endroit n’y vienne que pour ses lectures personnelles, et qu’il a un certain pouvoir répulsif sur les élèves… Je vais devoir arranger ça si je ne veux pas être toute seule dans ce grand CDI ! Pour commencer, j’ai installé une énorme pancarte au-dessus de la porte : « goûter d’ouverture du CDI !!! ». J’espère que ça encouragera les élèves…