Le téléphone sonne deux fois dans le vide. Aucune réponse, aucun mouvement. La maison est entouré d’un calme serein que je n’ai jamais vraiment ressentit auparavant. Je me précipite dans les escaliers parce que je sais que ça fait la quatrième fois qu’il sonne et qu’il clair que personne n’est pas pour le faire taire. Je soupire et décroche finalement.
‘’─ Oui ?
─ Mr. Fireside ?‘’
Lorsque j’entends cette voix, cela me fait bizarre. Je n’ai pour ainsi dire pas l’habitude qu’on m’appelle comme ça. J’hausse les épaules avant de répondre.
‘’─ Oui, c’est moi.
─ Je suis dans le regret de vous annoncer la mort de votre père sur l’autoroute 60 à proximité de …‘’
A partir de là, je ne perçois plus d’un bruit aiguë est constant qui trouble mon ouïe. Mon cœur s’accélère et je crois que je ne réalise pas. Le choc ne m’a même pas encore traversé. Mon bras qui tient le combiné finit par retomber le long de mon corps tandis que cette satanée voix continue de brailler à l’intérieur, demandant si je suis toujours là et s’il doit envoyer des secours. Ce ne s’est pas l’intonation qui diffuse la colère dans mes veines. Mais ses propos. Il y a encore deux minutes tout était calme et maintenant quelque chose s’est brisé, s’est disloqué. Sans pouvoir être réparé. Je ne dis rien, mon visage reste impassible. Impossible de bouger et de réagir de quelques façons que ce soit. Je raccroche finalement le téléphone fixe et remonte calmement dans ma chambre. Mon cerveau est embrumé, il ne fait plus aucune connexion. Ma vue ne cesse de tanguer tandis que j’ai l’impression de me trouver sur un bateau.
Bordel mais qu’est-ce qui se passe ? Et avant même que je puisse mettre le doigt dessus, je m’écroule au sol dans un bruit sourd. Trou noir.
***
‘’─ Maman, j’suis rentré !‘’
Je jette mon sac de cours dans l’entrée avant de retirer mon manteau. Nous sommes en hiver et la température est négative au-dehors. Le chemin du retour a été un peu plus compliqué que d’habitude et j’ai dû faire un détour, mais je suis enfin là. Il se fait déjà tard et ça me semble bizarre que je n’entende rien. J’enfile donc mes chaussons avant de me traîner jusqu’à la cuisine. C’est étrange, elle est plongée dans le noir. Je perçois un sifflement. Je n’arrive pas à mettre une image sur ce son. Je ne sais pas de qui ou sur quoi cela peut bien provenir. Je sens mon rythme respiratoire devenir un peu moins régulier sous le stress.
‘’─ Maman, tu es …‘’
Je reste interdit de longues minutes. Ma mère. Avachie sur la table. De la salive sortant sous forme de mousse de sa bouche. Ses yeux grands ouverts mais qui semblent aveugles. J’hurle. Mais je n’entends pas le son de mon cri sortir. Je n’entends plus rien. Ma gorge me brûle. Mon cœur tape comme un forcené contre ma cage thoracique et je ne sais comment j’arrive à appeler les secours après de longues et lentes minutes, paniqué. J’ai appris plus tard qu’elle se droguait depuis quelques mois et qu’elle avait fait une overdose. Elle aurait pu y passer.
Si j’étais arrivé plus tôt, est-ce que ce se serait passé de la même manière ?***
Je ne sais plus depuis combien de temps je n’avais pas été sobre. Ou tout simplement dans mon état normal. Les bouteilles s’enchainent. Les joints aussi. Je ne me rends plus compte de rien. Les heures et les jours passent sans que je puisse les voir. Les cendriers se remplissent et mes billets d’absences s’amoncèlent. La musique métal est à peu près la seule chose que j’arrive à entendre parmi le silence qui s’est désormais posé comme une chape de plomb sur la maison.
Ça fait un an qu’il est mort et tout ce qu’elle a trouvé à faire, c’est finir à l’hosto’ pour une histoire de drogues. Je lui en voulais. La haine que j’avais constamment en moi était indéfinissable et imprévisible. Tout en moi me criait de lâcher. D’aller le rejoindre, lui. Pour que ça se termine. Que ce calvaire se finisse enfin. Et puis il y avait eu Maria, une grande amie à elle, qui m’avait pris sous son aile, si je puis dire, et qui voulait que je reprenne les cours. Peut-être pas dans mon lycée actuel mais elle voulait me faire repartir. Je squattais chez elle mais c’est tout ce que je faisais. Elle m’avait trouvé une nouvelle école : Pandora. Néanmoins, les cours je n’y étais pas présent, trop occupé à sortir et me foutre mal tous les soirs, je crois.
Sans que je m’en rende compte tout de suite, mon téléphone se met à vibrer dans ma poche. Je galère à l’attraper pour finalement le porter à mon oreille.
‘’─ Cam ? C’est Max.
─ Oooooh !! ‘’
J’éclate de rire pour une raison inconnue. Juste à l’entende de sa voix à l’autre bout du fil, c’est hilarant en fait. Il n’a pas l’air content, il est même plutôt froid. Et ça me fait encore plus rire. Mais lui il reste glacial, il soupire lourdement et je l’entends.
‘’─ T’as encore fais le con, hein ? Tu commences à me les briser Fireside, tu le sais ? J’arrive.
─ Att-… Quoi ?‘’
Je reste un moment en pleine incompréhension. Je n’étais pas vraiment en l’état de suivre une conversation construite. Ou même sans queue ni tête, d’ailleurs. Je suis incapable de suivre quelque chose, en fait. J’ai la tête qui tourne et le peu de neurones qu’il me reste en compote. Je finis par me traîner jusque dans mon lit, gardant une bouteille non loin tout de même.
Quinze minutes plus tard, mon meilleur ami entre dans la chambre et je n’ai rien le temps de comprendre. Bouteilles disparues. Cendrier disparu. Cigarettes et autres substances disparues aussi. Il m’attrape par le col et j’ai beau me débattre, je finis dans un bain à me faire laver les cheveux par Max. Je soupire, faisant la moue. Il ne dit rien, je crois qu’il est contrarié.
Je finis rapidement dans mon lit. Ma vue est un peu trouble et les sons ne me parvienne pas bien, mais je le sens me border et s’asseoir près de moi. Je souris un peu, tout en fermant les yeux.
‘’─ Il s’est toujours passer … Un truc bizarre quand t’étais prêt de moi, tu sais ?..‘’
J’ai la voix éraillée et mes yeux tombent de sommeil. Je ne grommelle plus que dans une semi-conscience et je crois qu’il en profite.
‘’─ Quel genre de truc bizarre ?
─ Mon cœur bat fort … J’ai chaud au ventre … Et je veux t’embrasser …‘’
Il me dépose un baiser sur le front et je m’imagine le sourire qu’il porte aux lèvres. La lumière s’éteint et la porte se ferme.